Portrait d'entreprise

Le charme insulaire d’À l’abri de la Tempête

À la microbrasserie À l’abri de la Tempête, chaque bière est un reflet des Îles de la Madeleine, que ce soit par leur histoire, leur nom ou un ingrédient particulier. Portrait de cette première et unique microbrasserie madelinote.


D’usine de crabe à brasserie

Deux jeunes entrepreneurs amoureux des Îles y débarquent en 2001 avec le projet d’y fonder une microbrasserie. Ils ont d’abord repéré, comme local, une usine de transformation de crabe abandonnée depuis cinq ans à L’Étang-du-Nord, sans trop la considérer sérieusement. Ils ont continué de chercher des locaux pendant un an, en vain. De retour au point de départ, ils décident de visiter la vieille usine de crabe. « C’est une fois à l’intérieur qu’on a réalisé tout le potentiel du site » raconte Anne-Marie Lachance, directrice générale et copropriétaire avec Élise Cornellier-Bernier, directrice de production et maître brasseur. « C’était plutôt délabré, mais il y avait plusieurs éléments qui étaient déjà en place, comme les drains par exemple ».

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Les deux jeunes gens avaient enfin trouvé l’emplacement pour leur brasserie, qu’ils baptisent « À l’abri de la Tempête ». « Quand on est arrivé ici, complètement au bout du chemin Coulombe, c’était l’hiver et il y avait tellement de neige qu’on a dû pelleter un trou pour rentrer! Une fois à l’intérieur, on s’est senti à l’abri, » se souvient Anne-Marie. Ce sentiment leur a fait penser à l’album « À l’abri de la Tempête » de Jim Corcoran et Bertrand Gosselin. Le nom évoque à la fois l’univers maritime avec ses tempêtes, tout en étant un clin d’œil aux rudes hivers des Îles.

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La microbrasserie ouvre ses portes en 2004. Les Madelinots, qui ont été au rendez-vous dès les débuts, le sont plus que jamais aujourd’hui. Anne-Marie explique que 65% de leur production se boit directement dans l’archipel! « Nos bières sont fabriquées ici et elles se boivent majoritairement ici! » Et c’est sans compter l’enthousiasme des restaurateurs : les bières des Îles sont partout, autant à la carte des boissons que dans les plats (panures, sauces…). « Tout le monde est conscient que ces collaborations sont gagnantes-gagnantes affirme Anne-Marie.


Des bières au goût des Îles

Écume, Terre ferme, Corne de brume : les noms de plusieurs brassins évoquent l’univers maritime. La Corps mort, elle, est baptisée en référence au nom d’un rocher au large de L’Étang-du-Nord. « On donne une tournure locale à chaque bière, en s’inspirant de la mer, des histoires, des gens, du terroir et des commerces », affirme Anne-Marie, précisant que ça a toujours fait partie des valeurs de l’entreprise.

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À la base, toutes les bières d’À l’abri de la Tempête ont un intrant local commun : les algues. Surpris? Sachez que la mousse d’Irlande est une algue très commune aux Îles. Elle a un pouvoir clarifiant en favorisant l’agglomération des protéines qui pourraient demeurer en suspension dans la bière. Pratiquement toutes les microbrasseries utilisent ce pouvoir clarifiant pour le moût avant qu’il ne passe au fermenteur, mais elles l’achètent sous forme de carraghénine en poudre, explique Anne-Marie. « Ici, on a des algues plein les plages! On utilise donc le produit brut. » Les artisans d’À l’abri de la Tempête font également de la cueillette sauvage pour ajouter des ingrédients indigènes des Îles (pousses de sapin baumier, carvi…) à certains brassins.

Un autre aspect du caractère madelinot des produits d’À l’abri de la Tempête, c’est le précieux maillage que l’entreprise crée, depuis ses débuts, avec d’autres commerces et producteurs des Îles. Par exemple, trois bières sont inspirées de restaurants madelinots : la Vieux-Couvent (bière de blé aux herbes, 5,8%) en l’honneur du Vieux Couvent de Havre-aux-Maisons, la Pas perdus (rousse équilibrée et rafraîchissante, 4,5%) pour le Restaurant des Pas Perdus de Cap-aux-Meules, et la Grave du Café (noire de style stout, 4,2%) pour le Café de la Grave, une institution à Havre-Aubert. Ces trois bières sont disponibles uniquement en fût et exclusivement aux Îles. Une raison de plus de planifier un prochain voyage dans l’archipel!

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Outre ces trois brassins exclusifs aux Îles, la gamme de bières embouteillées (dont on trouve plusieurs produits dans son dépanneur à bière préféré) compte entre autres une bière unique en son genre élaborée à base d’un malt fumé que les brasseurs ont développé avec le Fumoir d’Antan. Les grains d’orge sont étendus sur de grands supports grillagés (à la manière de grands moustiquaires), qui sont juchés dans le fumoir à différentes hauteurs parmi les harengs qui sont, eux, suspendus au plafond. Résultat : un malt fumé très particulier puisque de l’huile de hareng coule sur le grain. « Sa couleur est unique et la texture presque viandeuse. Par rapport au malt fumé qu’on achète dans les grandes malteries, c’est vraiment différent, c’est un produit dont on est très fier » lance Anne-Marie. Si des petites touches de ce malt fumé unique entrent dans la composition de quelques recettes (pas toujours de façon perceptible, mais contribuant tout de même à créer l’ensemble d’un goût), le produit qui le représente le mieux est la Corps mort, leur vin d’orge à partir de malt fumé.

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À l’abri de la Tempête élabore également une série de bières éphémères, des brassins numérotés spéciaux, appelés les « Palabres ». (Une « palabre », aux Îles, est une histoire qui tire sur la rumeur). « Avec les Palabres, on ne se met aucune limite, on ne se met même pas la contrainte de les refaire! C’est une belle liberté, on s’amuse! » Les Palabres, à savourer quand elles passent, permettent aux brasseurs d’intégrer d’autres touches madelinotes à leurs créations, par exemple, de récentes Palabres aux canneberges des Îles ou à l’églantier des Îles, issues de la pulpe utilisée par Gourmande de Nature. Cette année, une superbe Palabre églantier-canneberge marie les deux. Peut-on goûter ces créations hors des Îles? « Les Palabres s’échappent de temps en temps, mais c’est rare! » lance Anne-Marie. Elles sont souvent produites en petites quantités, qui trouvent preneur avant d’être largement distribuées. Encore une fois, raison de plus de prévoir une visite aux Îles!

Pour boucler la boucle, les résidus de production de bière (la drêche) servent à nourrir les animaux de Le veau des Nathaël et des Moutons du large.


Une visite à la microbrasserie

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Au rez-de-chaussée de la microbrasserie, une petite pièce ayant un mur vitré qui donne sur la salle de brassage sert de point de départ, avec des panneaux expliquant l’histoire de l’entreprise et les étapes de la fabrication de la bière. Si on est capable d’attendre un brin avant de déguster, une vidéo explicative va plus en profondeur sur chacune des étapes de brassage.

On monte ensuite à l’étage, où se trouvent le bar et l’accès à la belle terrasse avec vue sur la plage de la Dune de l’ouest et sur la mer. Le défi consiste alors à choisir sa bière (difficile lorsqu’on veut tout goûter). Un petit menu de grignotines (mettant en vedette des produits locaux, évidemment!) permet de se mettre un quelque chose sous la dent pendant sa dégustation.

Si la production des bières s’effectue à l’année, l’horaire du bar suit celle de la grosse saison (début mai à fin septembre). Depuis peu, la microbrasserie demeure ouverte à l’année les vendredis, on peut donc y passer quel que soit le moment de notre séjour aux Îles. Et d’ici ce prochain séjour, on savoure les brassins qui s’échappent des Îles en rêvant d’une prochaine escapade!

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Concluons sur une note gourmande. J’ai demandé à Anne-Marie quelques suggestions d’accords qui lui plaisent entre des plats et des produits À l’abri de la Tempête. Laissez-vous inspirer!

  • Écume (Pilsner rustique, 4,8%) : avec quelque chose d’un brin salé, comme du homard.
  • Terre ferme (IPA rustique, 6,2%) : avec ce qui est plus gras (ex.: frites).
  • Bot’Aouelle (Pilsner impériale, 8%) : avec des plats plus crémeux (ex.: sauces).
  • Corne de brume (Scotch ale, 9%) et Corne de glace (la même bière ayant subi une concentration par le froid, 14%) : avec un fromage comme le Pied-de-Vent.
  • Corps mort (Vin d’orge, 11%) : avec un fromage plus vieilli, comme la Tomme des demoiselles (évitez le fumé-fumé, ça va annuler).
  • Grave du café (Stout, 4,2%) : cette bière n’est disponible qu’en fût aux Îles, mais Anne-Marie tenait à souligner le bon accord avec les huîtres.


À savoir

 

Crédit photos et images vidéo: Julie Aubé

 

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