Amateurs de bleu, venez goûter aux succulents produits de cette fromagerie de Sainte-Sophie, dans les Laurentides : Les Fromagiers de la Table ronde. Rencontre avec les artisans passionnés de la famille Alary.
De ferme laitière conventionnelle à fromagerie bio
La ferme laitière des Alary, située sur la route 158 à Saint-Sophie, se transmet de père en fils depuis des générations. C’est en 1983 que Ronald Alary en reprend les rênes, avec son frère Serge.
Quelques années plus tard, les frères Alary commencent à se questionner sur la pertinence des engrais chimiques qu’ils épandent dans les champs en plus du fumier. « J’avais l’impression qu’on nourrissait trop le sol et que cela nous rendait moins efficace », se souvient M. Alary. Les frères décident donc de suivre des formations sur la rotation des cultures et autres techniques de perfectionnement agricole. Cette démarche s’est avérée des plus concluantes puisque, depuis 1989, aucun engrais chimique ni pesticide n’a été appliqué à leurs champs. La certification biologique, elle, est venue en 2000.
À la même époque, trois des enfants de Serge ainsi que Gabriel, fils de Ronald, entament des études à l’Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe avec le désir de s’établir en agriculture. Mais, comme l’explique Ronald Alary, il n’y avait pas assez de place à la ferme pour créer quatre emplois supplémentaires, si lui et son frère Serge continuaient d’y travailler aussi. C’est à cette époque que l’idée d’une fromagerie a commencé à mijoter. D’une part, ils faisaient un bon lait bio. D’autre part, il y avait encore peu de marché pour le bio au tournant du siècle. Transformer eux-mêmes leur lait pour lui donner de la valeur constituait donc une avenue à considérer. Mais le vrai déclic a été quand Gabriel s’est montré intéressé au métier de fromager. « C’était un vieux rêve que j’avais de faire du fromage », raconte Ronald Alary, « mais si Gabriel n’avait pas eu cet intérêt, je n’aurais jamais démarré la fromagerie! »
C’est ainsi qu’entre 2000 et 2003 sont survenus la construction du nouveau bâtiment, l’obtention des permis, le choix des fromages à fabriquer et les nombreux tests des recettes, avec l’aide d’un ancien professeur de Gabriel. Quand la fromagerie a été prête à ouvrir en 2003, leurs premières meules étaient à point. Et parmi ces premières meules figurait le Rassembleu.
Se démarquer avec le bleu
Pendant qu’ils montaient leur projet, les Alary ont contacté notamment La Fromagerie Hamel et Yannick Fromagerie pour savoir ce qui, à leur avis, manquait dans l’offre de fromages québécois. Le son de cloche a été unanime : il manquait de bleus au Québec. Ronald Alary explique que si on remonte au début des années 2000, il y en avait peu, outre ceux de l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac et le Ciel de Charlevoix de la famille Migneron. « Ça tombait bien, car j’aime ça le bleu! », lance le sympathique fromager, visiblement ravi de cette piste obtenue lors de leur étude de marché.
C’est ainsi que rassemblés autour de la table familiale, les Alary décident que leur premier fromage serait un bleu. Baptisé le Rassembleu, il est tout en douceur. En effet, comme c’est un fromage légèrement pressé, le bleu se développe moins facilement dans la pâte et le fromage est plutôt doux. « On ne compte plus les gens réticents aux bleus qui les ont apprivoisés avec le Rassembleu », raconte M. Alary. Il ajoute que le fromage a gagné des prix dès les premières années et qu’il continue encore aujourd’hui de se démarquer dans les concours!
À chaque fromage son histoire
Si le Rassembleu a fait connaître les Fromagiers de la Table Ronde, certains amateurs invétérés de bleus le trouvaient plutôt doux… À l’écoute de leur clientèle, les Alary se sont mis à travailler une autre recette de bleu, plus corsé cette fois-ci. Cependant le bleu ne “poussait” pas dedans, les trous se refermaient! Toutefois, affirme M. Alary, le fromage était excellent. Ils ont donc décidé d’arrêter d’y mettre du bleu et ont peaufiné la recette: ça a donné le Fou du Roy! D’un test de bleu plus relevé est né un des classiques de la fromagerie, avec une pâte semi-ferme à croûte lavée ayant une texture souple et au goût de beurre avec des notes de foin.
Le Fou du Roy a longtemps été le meilleur vendeur des Fromagiers de la Table Ronde… jusqu’à ce qu’il soit détrôné récemment par Le Ménestrel. Inspirés au retour d’un voyage durant lequel ils ont visité des fromagers français, Ronald Alary et son épouse France Dion, qui travaille aussi à la fromagerie, ont eu l’inspiration pour créer Le Ménestrel. Vieilli plus de six mois, ce fromage à pâte pressée et cuite rappelle le comté. C’est un pur délice aux notes de crème, de noisettes et de fleurs des champs qui, en septembre dernier, s’est vu décerner le Caseus d’Or : le meilleur fromage de l’année non seulement dans sa catégorie, mais toutes catégories confondues! M. Alary, qui compare la victoire à une médaille olympique pour fromager, n’est pas peu fier de cet honneur. Un honneur qui a non seulement été célébré dans la région, mais aussi dans toute la province, faisant connaître le Ménestrel à tous les Québécois. Résultat: des ventes incroyables et une rupture de stock durant l’hiver 2016!
Le temps que de nouvelles meules du Ménestrel vieillissent, les gourmands ont pu faire le plein de Rassembleu, de Fou du Roy, de Fleuron (le second bleu qui a finalement été mis au point, à la texture plus crémeuse, rappelant celle du gorgonzola), de Galette (pâte molle à croûte lavée) et d’autres délices, comme les nouvelles mozzarellas fraîches de vache (les leurs) et de bufflonne (celles de la Fromagerie Fuoco, de Saint-Lin, qui transforme le lait de son troupeau de bufflonnes chez les Fromagiers de la Table Ronde). Voilà une association où tout le monde est gagnant, y compris les gourmands qui peuvent aussi se délecter d’un excellent fromage à pâte molle de lait de bufflonne.
Les préférés des fromagers? Ils sont incapables de se prononcer. «C’est comme les enfants, c’est dur d’avoir un préféré!», lance M. Alary. Mme Dion renchérit: «Un fromage qu’on n’aime pas, on ne le fait pas!». Pas plus compliqué que ça!
La fromagerie aujourd’hui
Serge Alary travaille à la ferme laitière avec trois de ses enfants, tandis que Ronald travaille côté fromagerie avec France, Gabriel et une autre fille de Serge. «On a un seul employé qui n’est pas de la famille», affirme Ronald Alary, amusé. À ses débuts, la fromagerie transformait 25 % de leur production de lait bio en fromage. Cette proportion frôle aujourd’hui les 80 %. Environ la moitié de leurs ventes s’effectuent en circuit court, directement à la fromagerie ou aux différents marchés publics des Laurentides où ils tiennent kiosque (notamment à Val-David, à Saint-Jérôme et à Mirabel).
Que ce soit à la ferme ou au marché, les visiteurs apprécient le contact direct avec les artisans. À Sainte-Sophie, ils peuvent admirer les vaches durant les heures où elles sont aux pâturages attenants à la ferme, observer les fromagers à l’œuvre par le mur vitré qui sépare la boutique de la zone de production et poser des questions sur la fabrication fromagère ou encore sur les méthodes biologiques. Les gourmands sont aussi ravis de constater que le prix des fromages est accessible, surtout pour un produit fermier et bio. «C’est normal quand on coupe les intermédiaires», leur expliquent les fromagers. «C’est pas rare de voir des gens, à leur première visite, prendre de petites pointes, puis avoir l’impression qu’on s’est trompé dans le prix puisqu’ils s’attendaient à plus cher. La fois suivante, on les voit prendre des grosses pointes!», rigole M. Alary qui, deux fois par année, organise de populaires journées portes ouvertes. Si vous ne voulez pas manquer cette occasion de leur rendre visite, surveillez les dates sur leur page Facebook!
À savoir
- Coordonnées Fromagiers de la Table Ronde : 317, route 158, Sainte-Sophie, J5J 2V1. Tél.: 450 530-2436
- Où se procurer leurs produits: sur place et dans plusieurs épiceries et fromageries. Informez-vous auprès Fromagiers de la Table Ronde pour plus de détails.
- Région: Laurentides
- Établissement reconnu Terroir et Saveurs du Québec
Crédit photos et images vidéo: Julie Aubé